1. Qu’est-ce que le biais de confirmation ?
Le biais de confirmation est l’un des mécanismes psychologiques les plus puissants - et les plus sournois - qui influencent nos décisions. Il désigne notre tendance naturelle à :
- Chercher les informations qui vont dans le sens de nos convictions actuelles.
- Accorder plus de poids aux preuves qui confirment ce que nous pensons déjà.
- Ignorer ou minimiser celles qui pourraient contredire nos idées.
Ce phénomène n’est pas conscient. C’est une stratégie que notre cerveau adopte pour préserver un certain confort mental : avoir raison.
Pourquoi notre cerveau agit-il ainsi ?
Notre esprit aime la cohérence. Lorsque nous rencontrons une information qui contredit ce que nous croyons, cela crée une dissonance cognitive : un sentiment d’inconfort psychologique. Pour éviter cette tension, notre cerveau filtre, tord ou écarte les éléments qui remettent en cause notre vision du monde.
En clair : plutôt que de revoir notre croyance, nous préférons l’alimenter.
Le piège dans la prise de décision
Le biais de confirmation donne l’impression d’agir de façon rationnelle, car nous nous appuyons sur « des preuves ». Mais ces preuves sont souvent triées sur mesure pour soutenir notre position initiale, au lieu de refléter la réalité dans sa globalité.
C’est comme si, en préparant un procès, vous ne gardiez que les témoignages qui vont en votre faveur… et ignoriez volontairement ceux qui pourraient vous incriminer.
Chez les dirigeants, le biais de confirmation se glisse souvent dans les raisonnements du quotidien, surtout lorsqu’il s’agit de gestion des risques.
Il s’exprime à travers des convictions bien ancrées, comme :
- « Je n’ai jamais eu d’incident en 10 ans, donc je suis à l’abri. »
- « Personne dans mon entourage n’a jamais eu de sinistre, c’est bien la preuve que le risque est faible. »
- « Mon activité est trop spécifique pour être exposée à des problèmes. »
Ces phrases semblent rassurantes, mais elles s’appuient sur un échantillon extrêmement limité : votre propre expérience ou celle de votre cercle proche.
Pourquoi est-ce trompeur ?
Votre expérience personnelle ne reflète pas la réalité statistique du marché. En se basant uniquement sur ce que l’on a vécu (ou pas vécu), on ignore :
- Les risques à faible fréquence mais à fort impact (incendie, vol de données, mise en cause juridique…).
- Les incidents qui arrivent à d’autres dans le même secteur, mais dont on ne parle pas publiquement.
- Les évolutions réglementaires ou technologiques qui peuvent créer de nouvelles menaces.
En clair, l’absence d’incident ne prouve pas l’absence de risque.
Le piège de la « preuve sociale inversée »
Beaucoup d’entrepreneurs utilisent ce que font - ou ne font pas - leurs pairs comme indicateur :
- « Si mes concurrents ne sont pas assurés, pourquoi le serais-je ? »
C’est oublier que l’on ne connaît pas toujours la réalité des protections mises en place chez les autres… ni les galères qu’ils ont pu vivre en silence.
L’illusion de l’exception
Certains dirigeants pensent que leur activité, leur niche ou leur façon de travailler les met naturellement à l’abri :
- « Je ne reçois pas de clients dans mes locaux, donc je ne risque rien. »
- « Je travaille surtout en ligne, donc les sinistres matériels ne me concernent pas. »
En réalité, chaque activité comporte ses propres zones de vulnérabilité — parfois invisibles tant qu’aucun événement ne les révèle.
Ce que cela entraîne
En restant dans ce mode de pensée, un entrepreneur peut :
- Reporter indéfiniment la souscription d’une couverture adaptée.
- Négliger la révision de ses contrats existants.
- Se retrouver sans protection face à un événement rare mais dévastateur.
Conséquence : la prise de décision se base sur un sentiment de sécurité subjectif… plutôt que sur une évaluation objective des risques.
3. Pourquoi est-ce dangereux ?
Se laisser guider par le biais de confirmation, c’est comme rouler sur l’autoroute en ne regardant que dans son rétroviseur : tant que la route est claire, tout va bien… mais on ne voit pas venir le camion qui arrive à pleine vitesse.
En restant focalisé uniquement sur les éléments qui confirment que vous êtes “hors de danger”, vous vous exposez à trois pièges majeurs :
Sous-estimer la probabilité d’un sinistre
Le biais de confirmation vous pousse à considérer qu’un risque est négligeable simplement parce que vous ne l’avez jamais vécu.
Or, certains incidents sont statistiquement rares, mais lorsqu’ils se produisent, ils ont un impact colossal.
Exemple : un incendie de local, une mise en cause juridique, une cyberattaque… Ces événements touchent chaque année des milliers d’entreprises, souvent par surprise.
Retarder la mise en place de protections essentielles
En se croyant « à l’abri », on reporte l’action :
- Pas de contrat d’assurance pro adapté.
- Pas de plan de continuité d’activité.
- Pas de procédures de prévention des risques.
Résultat : on se prépare trop tard, souvent après que l’événement soit survenu, moment où il est déjà impossible de limiter les dégâts.
Découvrir trop tard l’ampleur des pertes possibles
Un seul incident majeur peut générer :
- Des factures de plusieurs dizaines de milliers d’euros.
- Une interruption forcée de l’activité pendant plusieurs semaines ou mois.
- Des pénalités contractuelles ou des dommages et intérêts.
- Dans les cas extrêmes, c’est la viabilité même de l’entreprise qui est menacée.
Le risque invisible
Le danger avec le biais de confirmation, c’est qu’il donne l’illusion de sécurité.
On se croit prudent, alors qu’on est simplement aveuglé par un filtre mental qui minimise la réalité.
Et lorsque le sinistre survient, ce n’est pas seulement une mauvaise surprise : c’est souvent un choc financier dont il est difficile, voire impossible, de se relever.
4. Exemple concret
Prenons le cas d’un photographe freelance. Depuis dix ans, il travaille sur des mariages, des événements d’entreprise et des shootings produits. Il est méticuleux, soigneux avec son matériel et celui de ses clients. Résultat : aucun incident en une décennie.
Dans son esprit, c’est la preuve qu’il maîtrise parfaitement les risques et qu’une assurance matériel serait une dépense inutile. Jusqu’au jour où, lors d’un reportage photo dans une boutique, un trépied est légèrement bousculé par un client. L’objectif haut de gamme loué pour l’occasion – valeur : 4 500 € – bascule et heurte violemment le sol.
Le verdict du réparateur est sans appel : matériel irréparable. Le client final, propriétaire de l’objectif, lui envoie la facture. Et cette fois, impossible de se dérober : il doit payer de sa poche.
L’impact financier immédiat
Le montant réclamé représente plusieurs mois de marge nette pour le photographe. Ce n’est pas seulement une perte sèche :
- Il doit retarder l’achat de nouveau matériel pour ses propres projets.
- Il annule une campagne marketing prévue pour se refaire une trésorerie.
L’impact psychologique
Au stress de l’incident s’ajoute la culpabilité et la peur que cet épisode ternisse sa réputation.
L’événement est rare, mais il suffit d’une seule fois pour déséquilibrer tout un équilibre financier et professionnel.
La leçon
Ce photographe n’a pas été victime d’un manque de compétence… mais d’un mauvais calcul mental : croire que l’expérience passée protège de l’imprévu.
Une assurance RC Pro - avec l'option garantie du matériel - aurait couvert le sinistre, lui évitant un trou dans sa trésorerie et dans son moral.
Le biais de confirmation agit souvent de manière invisible. La bonne nouvelle, c’est qu’il est possible de le neutraliser en adoptant quelques réflexes simples… mais puissants.
Chercher volontairement des contre-exemples
- Au lieu de vous entourer uniquement de témoignages qui confirment que « tout va bien », allez à la rencontre de confrères qui ont déjà vécu un sinistre.
- Participez à des forums ou groupes d’entrepreneurs.
- Échangez avec des membres de votre réseau qui ont dû gérer un incident coûteux.
- Analysez des études de cas réels.
Effet recherché : exposer votre cerveau à des preuves qui contredisent vos croyances actuelles, pour rééquilibrer votre perception du risque.
Regarder les statistiques de votre secteur
Les données objectives sont un excellent antidote aux impressions personnelles.
- Consultez les chiffres d’associations professionnelles.
- Demandez à votre chambre de commerce ou fédération les statistiques de sinistres.
- Comparez la fréquence et le coût moyen des incidents selon la taille et l’activité des entreprises.
Effet recherché : passer d’un jugement basé sur “ça ne m’est jamais arrivé” à une vision chiffrée et factuelle des menaces réelles.
Se faire accompagner par un professionnel
Un courtier ou un assureur spécialisé n’évalue pas seulement vos risques sur la base de votre expérience personnelle :
- Il prend en compte l’historique de sinistres du secteur.
- Il identifie les risques émergents (cyber, réglementaires, climatiques…).
- Il vous aide à dimensionner la couverture pour éviter la sur-assurance comme la sous-assurance.
Effet recherché : obtenir un diagnostic objectif et complet, qui vous protège des angles morts créés par votre biais de confirmation.