1. La responsabilité civile du professionnel : un principe de base
En tant que professionnel, vous êtes légalement tenu d’assurer la sécurité des personnes qui franchissent les portes de votre établissement — qu’il s’agisse de clients, de visiteurs, de partenaires ou de livreurs. Cette obligation de sécurité découle directement du droit commun de la responsabilité civile, et plus précisément de l’article 1242 alinéa 1 du Code civil, qui dispose que :
« On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des choses que l’on a sous sa garde. »
Autrement dit, en tant que gardien de vos locaux, vous êtes présumé responsable des accidents causés par les éléments matériels présents dans ceux-ci. Cela inclut notamment les sols, escaliers, rampes, meubles, mais aussi les revêtements glissants, les flaques d’eau ou les tapis mal fixés.
Une présomption de responsabilité
Ce régime repose sur une présomption de faute, ce qui signifie que la victime d’une chute n’a pas à prouver votre négligence pour engager votre responsabilité. Il lui suffit de démontrer trois éléments :
- Qu’elle a subi un dommage (blessure, incapacité temporaire, etc.)
- Que ce dommage a été causé par un élément de votre établissement (ex. : un sol glissant)
- Que vous étiez en position de « gardien » de la chose (propriétaire ou exploitant du lieu)
Dans ce cadre, vous devrez prouver que vous aviez mis en place toutes les mesures raisonnables pour prévenir l'accident (signalisation, nettoyage régulier, entretien, etc.) pour tenter de vous exonérer partiellement ou totalement.
Exemple concret : le sol mouillé sans signalisation
Imaginons qu’un client entre dans votre boutique par temps de pluie. Le sol est détrempé, aucun tapis absorbant n’a été installé, et aucune signalisation n’indique un risque de glissade. Le client chute, se fracture le poignet, et ne peut plus travailler pendant plusieurs semaines.
Dans ce cas, votre responsabilité peut être pleinement engagée. Vous serez alors tenu d’indemniser :
- Les frais médicaux et de rééducation
- La perte de revenus liée à l’incapacité temporaire de travail
- Le préjudice moral (souffrance physique et psychologique)
- Les éventuels frais d’assistance à domicile
Une responsabilité qui peut coûter cher
Sans couverture d’assurance adéquate, ces sommes peuvent atteindre plusieurs milliers, voire dizaines de milliers d’euros. Et cela, même si l’accident semble « banal » ou involontaire.
C’est pourquoi la souscription d’une assurance responsabilité civile professionnelle (RC Pro) est une précaution essentielle pour tout professionnel accueillant du public.
2. Cas typiques de glissade : qui est fautif ?
Les chutes liées à un sol glissant font partie des accidents les plus fréquents dans les locaux professionnels. Et bien souvent, elles débouchent sur des litiges en responsabilité civile. Pour déterminer si vous êtes fautif, le juge examinera la cause de la glissade et les mesures que vous avez (ou non) mises en œuvre pour prévenir le risque.
Voici quelques situations classiques dans lesquelles la responsabilité du professionnel est généralement engagée :
Sol lavé sans signalisation
C’est le cas le plus courant. Après avoir nettoyé un sol, l’absence de panneau « sol mouillé » constitue un manquement manifeste à votre obligation de prévention. Même si le sol était effectivement propre, vous êtes tenu d’informer le public d’un risque temporaire. À défaut, l’accident peut être considéré comme évitable, et donc de votre responsabilité.
Bon réflexe : toujours disposer un panneau visible dès le début du nettoyage, et le laisser jusqu’au séchage complet du sol.
Eau ou neige accumulée à l’entrée
Par temps de pluie ou de neige, il est fréquent que l’eau s’infiltre dans les zones d’accueil. Si aucun tapis antidérapant ou dispositif d’absorption n’a été prévu, les flaques peuvent se former rapidement et créer un danger.
Exemple : un client entre dans un cabinet médical avec des chaussures mouillées. Il glisse immédiatement en raison de l’absence de tapis ou de carrelage antidérapant. Le praticien peut être jugé responsable pour défaut d’aménagement adapté.
Déversement non nettoyé rapidement
Dans les commerces alimentaires ou les restaurants, les produits liquides ou gras tombent parfois au sol. Si l’incident n’est pas traité immédiatement, le professionnel est responsable. Cela vaut aussi si un employé a remarqué la flaque mais ne l’a pas signalée ou traitée.
Conseil : formez votre personnel à signaler et intervenir dès qu’un liquide ou déchet compromet la sécurité des clients.
Fuite ou canalisation défectueuse
Une fuite d’eau ancienne, une canalisation non réparée ou un goutte-à-goutte persistant dans une zone de passage peuvent devenir un facteur aggravant. Si vous étiez informé du problème (même oralement) et que vous avez tardé à intervenir, votre responsabilité est susceptible d’être pleinement engagée.
Le comportement du client peut aussi peser dans la balance
Cependant, la responsabilité du professionnel n’est pas systématique. Le comportement de la victime est toujours pris en compte. Par exemple :
- Le client courait à l’intérieur du local
- Il portait des chaussures inadaptées (semelles lisses, talons très hauts…)
- Il utilisait son téléphone sans regarder devant lui
- Il a volontairement emprunté une zone balisée comme dangereuse
Dans ce type de cas, la justice peut retenir une faute partagée : l’indemnisation est alors réduite en proportion de la part de responsabilité attribuée au client.
3. L’assurance RC Pro : votre alliée en cas d’accident
Dans le monde professionnel, un simple accident peut avoir des conséquences juridiques et financières importantes. C’est pourquoi il est essentiel de se prémunir à l’aide d’une assurance Repsponsabilité Civile Professionnelle (RC Pro). Cette couverture vous protège lorsque, dans le cadre de votre activité, vous causez un dommage à un tiers, que ce soit un client, un visiteur, un fournisseur ou même un prestataire.
Une couverture essentielle pour les professionnels
La RC Pro permet de prendre en charge les frais engendrés par un sinistre dont vous seriez jugé responsable. Elle intervient notamment dans les cas suivants :
- Dommages corporels : un client glisse sur un sol mouillé non signalé et se fracture le bras.
- Frais médicaux et d’hospitalisation : consultations, opérations, arrêts de travail, rééducation…
- Dommages matériels : une chute entraîne la casse d’un téléphone ou d’un ordinateur portable appartenant au client.
- Indemnisations décidées par un juge : en cas de procédure judiciaire, la RC Pro couvre les sommes que vous seriez condamné à verser.
- Frais de défense : elle prend en charge également les frais d’avocat et d’expertise, même si vous êtes finalement reconnu non responsable.
Bon à savoir : l’assurance RC Pro couvre les fautes, erreurs, négligences ou manquements involontaires. Elle ne s’applique pas en cas de faute intentionnelle ou de comportement frauduleux.
Sans RC Pro, vous payez de votre poche
En l’absence d’assurance, les conséquences financières d’un accident peuvent être dramatiques. Quelques exemples concrets :
- Une chute avec blessure sérieuse peut entraîner plusieurs milliers d’euros de frais médicaux.
- Une incapacité temporaire de travail de la victime peut vous exposer à une indemnisation compensatoire.
- Une plainte en justice sans assurance vous oblige à assumer seul vos frais de défense, même si vous êtes relaxé.
Sans RC Pro, votre responsabilité est directe et illimitée. Cela signifie que votre patrimoine personnel peut être engagé, y compris en tant qu’indépendant ou micro-entrepreneur.