1. En résumé
- ➜ La Responsabilité Civile Professionnelle (RC Pro) couvre les erreurs, omissions ou négligences professionnelles causant un préjudice à un tiers, mais elle exclut généralement les incidents liés à la sécurité informatique ou aux fuites de données.
- ➜ Depuis le RGPD, la mauvaise gestion des données sensibles (santé, opinions, religion, etc.) expose les entreprises à des sanctions lourdes, des plaintes et des atteintes à leur réputation.
- ➜ Une assurance cyber est nécessaire pour couvrir les risques spécifiques liés aux violations de données, piratages, rançongiciels ou erreurs humaines entraînant une fuite d’informations.
- ➜ La RC Pro et l’assurance cyber sont complémentaires : la première protège contre les fautes professionnelles, la seconde contre les menaces numériques et leurs conséquences techniques et financières.
- ➜ Pour être bien couvert, il faut relire attentivement son contrat RC Pro, vérifier les clauses d’exclusion et les plafonds d’indemnisation, puis souscrire une assurance cyber adaptée à son activité.
2. Que couvre la RC Pro classique ?
La RC Pro est la base de toute couverture pour un professionnel. Elle a pour rôle de protéger l’entreprise ou l’indépendant lorsqu’une erreur, une négligence ou une omission commise dans le cadre de son activité cause un préjudice à un tiers : un client, un fournisseur, un partenaire ou même un simple visiteur.
En d’autres termes, elle agit comme un bouclier financier : si un client se retourne contre vous pour réclamer une indemnisation, c’est l’assureur qui prend en charge la réparation du dommage (dans la limite prévue par le contrat). Cette couverture s’applique aussi bien aux dommages matériels qu’aux dommages immatériels ou corporels.
Prenons quelques exemples concrets :
- ● un consultant fournit un rapport contenant des erreurs d’analyse, entraînant une perte financière pour son client ;
- ● un graphiste remet des fichiers en retard, ce qui retarde la mise en production d’une campagne publicitaire ;
- ● un artisan endommage le matériel d’un client pendant une intervention ;
- ● un formateur délivre une information erronée qui provoque un dommage indirect à une entreprise.
Dans toutes ces situations, la RC Pro entre en jeu pour indemniser la victime à la place du professionnel et éviter un impact financier direct sur sa trésorerie.
Mais cette garantie, aussi essentielle soit-elle, a ses limites. Dès que le dommage touche à la sécurité informatique, à la confidentialité des informations ou à la protection des données personnelles, la plupart des contrats RC Pro n’interviennent plus, sauf cas particuliers. Certains contrats récents peuvent inclure une extension limitée liée à la divulgation accidentelle de données confidentielles. Mais ces garanties restent exceptionnelles et souvent plafonnées. Une fuite de données, un piratage de serveur ou un envoi accidentel d’informations confidentielles ne sont pas toujours considérés comme des fautes professionnelles au sens classique du terme.
Autrement dit, la RC Pro protège vos clients contre vos erreurs, mais pas forcément contre les conséquences d’une faille numérique ou d’une atteinte aux données. C’est précisément sur ce point qu’intervient l’assurance cyber, qui vient compléter la couverture RC Pro.
3. Les données sensibles : un risque à part entière
Depuis l’entrée en vigueur du Règlement général sur la protection des données (RGPD), la responsabilité des entreprises face aux données qu’elles traitent a considérablement augmenté. Qu’il s’agisse d’un cabinet médical, d’un cabinet de conseil, d’un expert-comptable, d’un coach ou d’un professionnel du digital, tous manipulent, à un moment ou à un autre, des informations considérées comme sensibles.
Le RGPD définit comme « données sensibles » les informations qui révèlent l’origine raciale ou ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques, l’appartenance syndicale, ainsi que les données génétiques, biométriques ou de santé. Leur particularité est qu’elles peuvent, en cas d’exploitation non autorisée ou de fuite, porter gravement atteinte à la vie privée des personnes concernées.
Or, dans la pratique, les risques sont nombreux :
- ● un ordinateur volé contenant des fichiers clients non chiffrés ;
- ● un e-mail mal adressé révélant des informations confidentielles ;
- ● un piratage de serveur ou un ransomware bloquant l’accès aux données ;
- ● une erreur humaine entraînant la suppression ou la divulgation d’informations personnelles.
Dans chacun de ces cas, les conséquences peuvent être lourdes. Le professionnel s’expose à :
- ● une plainte d’un client, d’un patient ou d’un partenaire commercial ;
- ● une sanction administrative de la CNIL, pouvant atteindre 20 millions d’euros ou 4 % du chiffre d’affaires mondial (le montant le plus élevé étant retenu) ;
- ● une atteinte durable à sa réputation, surtout si l’incident devient public.
C’est là que se situe la zone grise : la RC Pro classique n’a pas été conçue pour ce type de sinistres. Elle couvre les erreurs professionnelles, mais pas les atteintes à la sécurité informatique ni les violations de données personnelles. En d’autres termes, si un client vous poursuit pour une fuite de données, il est probable que votre RC Pro refuse d’intervenir, sauf si la fuite résulte directement d’une faute professionnelle clairement identifiée (par exemple, une erreur humaine dans la gestion des accès ou un fichier mal transmis). Mais dans la majorité des cas, les violations de données sont considérées comme des incidents cyber, non couverts par la RC Pro.
Pour se prémunir contre ce type de menace, il faut souscrire une assurance cyber. Ce contrat spécifique prend en charge les conséquences directes d’une violation de données : les frais d’enquête, la notification des personnes concernées, la remise en état du système informatique, la défense juridique, voire la communication de crise.
Ainsi, face à la montée en puissance des attaques numériques et à l’exigence du RGPD, les données sensibles ne sont plus un simple enjeu technique, mais bien un risque professionnel majeur à part entière.
4. La différence entre RC Pro et assurance cyber
Si la Responsabilité Civile Professionnelle (RC Pro) et l’assurance cyber peuvent sembler proches, elles ne couvrent en réalité ni les mêmes causes, ni les mêmes conséquences. La confusion est fréquente, mais elle peut coûter très cher en cas d’incident.
La RC Pro intervient lorsqu’une erreur professionnelle cause un dommage à un tiers. Il peut s’agir d’une faute, d’une négligence, d’un retard, ou d’une omission dans l’exécution d’une prestation. Par exemple, si vous envoyez par erreur un fichier contenant des informations confidentielles à la mauvaise personne, ou si un bug dans votre livrable provoque une perte financière chez votre client, votre RC Pro peut couvrir les conséquences directes de cette faute. Elle indemnise donc le client victime, à condition que la cause du sinistre soit bien identifiée comme une erreur de votre part.
Mais dès que l’incident trouve son origine dans un acte malveillant externe, dans un piratage, une attaque informatique ou une fuite de données non intentionnelle, la RC Pro cesse de jouer. Elle n’a pas vocation à couvrir les conséquences techniques et financières d’un cyberincident. C’est précisément là qu’intervient l’assurance cyber.
L’assurance cyber est conçue pour faire face à des risques numériques de plus en plus fréquents et sophistiqués. Elle prend en charge :
- ● la restauration ou la récupération des données perdues ou corrompues ;
- ● les frais de notification imposés par le RGPD aux personnes concernées et à la CNIL ;
- ● les honoraires d’experts informatiques pour identifier l’origine de la faille et sécuriser le système ;
- ● la gestion de crise et la communication en cas d’atteinte à la réputation ;
- ● les dommages causés par un rançongiciel, y compris les coûts liés à l’interruption d’activité.
Certains contrats d’assurance cyber incluent d’ailleurs une responsabilité vis-à-vis des tiers, ce qui permet de compléter la couverture RC Pro sans redondance.
Ces deux garanties ne se remplacent donc pas : elles sont complémentaires. La première répond à une logique juridique et contractuelle, la seconde à une logique technologique et sécuritaire. Ensemble, elles forment un dispositif de protection global, capable de couvrir à la fois les conséquences humaines, financières et réputationnelles d’un incident lié aux données.
5. Que faire pour être bien couvert ?
Avant de penser être protégé, il faut analyser précisément la portée de sa couverture actuelle. Beaucoup de professionnels pensent que leur RC Pro les met à l’abri de tout risque, alors qu’en réalité, la plupart des contrats ne couvrent ni les fuites de données, ni les cyberattaques, ni les dommages informatiques indirects. Une relecture attentive de votre contrat s’impose donc.
Commencez par vérifier s’il contient une garantie “protection des données” ou une extension cyber. Certains assureurs proposent en effet des formules hybrides, intégrant une protection minimale contre les atteintes à la confidentialité ou les pertes de données dues à une erreur humaine. Mais attention : ces garanties sont souvent limitées en montant et en périmètre, et n’incluent pas les attaques extérieures, les rançongiciels ou les violations massives.
Vérifiez également le plafond d’indemnisation. En cas de sinistre cyber, les coûts peuvent rapidement s’envoler : expertise technique, restauration des systèmes, notifications RGPD, assistance juridique, perte d’exploitation… Un plafond trop bas peut rendre la couverture quasi inutile face à un incident majeur.
Enfin, lis attentivement les clauses d’exclusion. Certaines RC Pro excluent formellement les sinistres liés à des virus, à un piratage ou à une intrusion malveillante. D’autres imposent au professionnel de prouver qu’il a mis en place des mesures de sécurité conformes aux bonnes pratiques (sauvegardes régulières, mots de passe sécurisés, antivirus à jour). En cas de négligence prouvée, l’indemnisation peut être refusée.
Si votre activité implique la gestion de données personnelles ou confidentielles — c’est le cas des experts-comptables, coachs, consultants, développeurs, professionnels de santé, avocats, formateurs, ou freelances du digital —, il est vivement recommandé de souscrire une assurance cyber en complément.
Cette couverture spécifique prend en charge à la fois les conséquences techniques (restauration des données, assistance informatique, nettoyage des serveurs) et les impacts juridiques et réputationnels (frais de notification, communication de crise, défense en cas de plainte ou d’amende).
En résumé, pour être bien couvert, il faut adopter une approche globale :
- ● une RC Pro pour les erreurs professionnelles et la relation client ;
- ● une assurance cyber pour les incidents numériques et la protection des données.
C’est la combinaison des deux qui garantit une sécurité complète, à la fois sur le plan financier, juridique et opérationnel.