RC décennale : que couvre-t-elle pour un électricien ?
La garantie décennale est une protection incontournable pour les électriciens du bâtiment. Elle s’applique pendant 10 ans à compter de la réception du chantier, et engage votre responsabilité sur tous les travaux que vous réalisez, ou que vous faites réaliser par un sous-traitant. Son objectif : couvrir les dommages graves qui peuvent compromettre la structure, la sécurité ou l’usage du bâtiment.
Les dommages compromettant la solidité de l’ouvrage
L’électricité est un corps d’état dont les défaillances peuvent avoir un impact direct sur l’intégrité du bâti. La garantie décennale couvre donc les sinistres tels que :
- Un incendie provoqué par un court-circuit dans un réseau électrique encastré, qui endommage murs, planchers ou charpente.
- Une surchauffe ou une mauvaise répartition des charges entraînant la détérioration de matériaux ou de structures portantes.
- Un défaut d’isolation ou de raccordement qui met en péril la sécurité électrique et donc la pérennité de l’installation.
Même si ces dommages ne concernent pas des éléments « visibles » de l’électricité, leur origine électrique peut rendre le bâtiment instable ou dangereux à long terme.
Les désordres rendant l’ouvrage impropre à sa destination
Un bâtiment peut être jugé impropre à sa destination lorsqu’un défaut empêche son usage normal (habitation, activité commerciale, accueil du public, etc.).
Les équipements indissociables du bâti
La garantie décennale concerne également les équipements indissociables, c’est-à-dire ceux qui ne peuvent être retirés sans détériorer le bâti. Voici quelques exemples typiques pour un électricien :
- Les gaines électriques encastrées dans les murs, les planchers ou les cloisons.
- Les tableaux électriques intégrés, scellés ou noyés dans la structure.
- Les planchers chauffants électriques, qui nécessitent de casser le sol pour être démontés.
- Les câbles et réseaux encastrés, y compris dans les cloisons techniques ou les plafonds suspendus.
Si un défaut affecte ces éléments après livraison, votre responsabilité est engagée, même si le problème ne se manifeste que plusieurs années plus tard.
Et en cas de sous-traitance ?
Un point souvent négligé : vous êtes responsable même si vous sous-traitez les travaux. La jurisprudence est claire sur ce point : le professionnel contractant principal (vous) est redevable devant le client final. Ainsi, si un sous-traitant réalise une mauvaise installation et qu’un sinistre survient, votre assurance décennale prendra en charge les réparations, et non celle du sous-traitant, sauf recours ultérieur.
Êtes-vous concerné en tant qu’électricien ?
La souscription d'une assurance responsabilité civile décennale n’est pas une simple formalité pour les électriciens du bâtiment : elle est légalement obligatoire dès lors que votre activité entre dans le cadre des travaux soumis à cette garantie. Vous êtes concerné si…
Vous installez des équipements électriques intégrés au bâtiment
Cela inclut notamment les travaux relatifs à :
- Le courant fort : câblage, tableaux électriques, alimentation principale du bâtiment, prises encastrées.
- Le courant faible : interphones, réseaux informatiques, systèmes de sécurité (vidéosurveillance, contrôle d’accès).
- Les ventilations mécaniques contrôlées (VMC) et tout dispositif de traitement de l’air lié au bâtiment.
Ces éléments, une fois installés, sont considérés comme faisant partie intégrante de l’ouvrage. Toute défaillance grave pourrait engager votre responsabilité décennale.
Vous intervenez sur des chantiers neufs ou de rénovation lourde
Votre responsabilité est engagée dans tous les cas où les travaux modifient la structure ou la destination du bâtiment :
- Construction de maisons ou de locaux neufs.
- Rénovation complète ou réhabilitation technique de bâtiments anciens.
- Transformation d’un local commercial en habitation (ou inversement).
- Mise aux normes électriques dans le cadre de travaux globaux.
Dans ces contextes, vos travaux participent à la solidité ou au bon fonctionnement du bâtiment dans son ensemble. La garantie décennale est donc impérative.
Vous facturez vos prestations en tant que professionnel
La loi Spinetta de 1978 impose la garantie décennale à tout professionnel du bâtiment, qu’il soit :
- Artisan électricien indépendant (auto-entrepreneur, entreprise individuelle, EURL, etc.),
- Dirigeant d’une société du bâtiment (SARL, SAS…),
- Sous-traitant avec contrat direct avec le maître d’ouvrage (dans certains cas),
- Intervenant avec une maîtrise d’œuvre déléguée ou une obligation de résultat.
Même si vous êtes seul ou débutez, vous êtes légalement tenu de souscrire cette assurance avant de commencer les travaux.
Exceptions : des cas où la décennale n’est pas obligatoire, mais reste recommandée
Il existe quelques situations spécifiques où la garantie décennale n’est pas exigée par la loi :
- Petits travaux d’entretien ou de dépannage : remplacement de prises, interrupteurs, luminaires, fusibles, etc.
- Installations non intégrées : pose de luminaires suspendus, d’appareils électroménagers, d’éclairages décoratifs, d’objets connectés déplaçables.
- Travaux ponctuels sans lien avec la structure du bâtiment.
Cependant, même dans ces cas, une erreur peut avoir des conséquences coûteuses, notamment en cas de dégât des eaux, de blessure ou de défaut électrique. Souscrire une assurance RC Pro avec extensions adaptées (voire une RC décennale "par précaution" si vous travaillez régulièrement sur des projets mixtes) est vivement conseillé.
Que risquez-vous sans couverture décennale ?
Ne pas souscrire d’assurance RC décennale en tant qu’électricien du bâtiment, c’est prendre un risque juridique, financier et commercial majeur. En plus d’être illégal dans les cas prévus par la loi, cela peut entraîner des conséquences lourdes, voire irréversibles pour votre activité.
Un risque juridique : vous êtes en infraction
La loi du 4 janvier 1978 dite loi Spinetta impose à tous les professionnels du bâtiment exerçant des travaux affectant le gros œuvre ou les équipements indissociables du bâti de souscrire une assurance responsabilité civile décennale avant l’ouverture de tout chantier.
Sans cette couverture, vous vous exposez à :
- Des sanctions pénales : jusqu’à 75 000 € d’amende et 6 mois d’emprisonnement (article L243-3 du Code des assurances).
- L’interdiction d’intervenir sur certains chantiers publics ou privés (demande d’attestation obligatoire).
- Une impossibilité de faire valoir vos droits en cas de litige avec un client ou un maître d’ouvrage.
Un risque financier : vous payez les réparations de votre poche
Sans assurance décennale, tout sinistre survenu dans les 10 ans suivant la livraison des travaux peut vous coûter très cher :
- Remise en état complète d’un réseau encastré.
- Refonte d’une installation électrique intégrée après un incendie ou une mise en danger.
- Prise en charge de dommages indirects (dommages aux biens voisins, interruption d’activité du client, etc.).
Le coût de ces réparations peut facilement dépasser plusieurs dizaines de milliers d’euros. Si vous n’avez pas la trésorerie suffisante, vous risquez tout simplement la faillite personnelle ou de votre entreprise.
Un risque professionnel : perte de crédibilité et de contrats
De plus en plus de maîtres d’ouvrage (promoteurs, architectes, particuliers, collectivités) exigent une attestation de RC décennale avant de signer un devis. Sans elle :
- Vous perdez des chantiers importants,
- Votre entreprise est écartée d’appels d’offres publics ou privés,
- Vous nuisez à votre image de professionnel sérieux.
Même des particuliers deviennent méfiants face à un électricien non assuré. À l’heure du bouche-à-oreille numérique, un seul litige peut entacher durablement votre réputation.