Par Jean-David Boussemaer, le 26 novembre 2025 - 7 min de lecture

Est-ce que l’assurance décennale est obligatoire ?

Avant de signer un chantier, de nombreux professionnels du bâtiment se posent cette question : « est-ce que l’assurance décennale est vraiment obligatoire ? » Entre les rumeurs de métier, les différences de situations et les exigences des clients, il est facile de s’y perdre. La réponse dépend du rôle du professionnel, de la nature des travaux et du type d’ouvrage concerné.

assurance décennale obligatoire

1. En résumé

  • L’assurance décennale est une obligation légale issue de la loi Spinetta, imposée à tout constructeur dont la responsabilité peut être engagée pendant dix ans pour des dommages graves affectant un ouvrage.
  • Sont considérés comme « constructeurs » non seulement les entreprises du bâtiment, mais aussi les architectes, maîtres d’œuvre, bureaux d’études, promoteurs et vendeurs-constructeurs.
  • La décennale s’applique aux travaux de construction, d’extension ou de rénovation intégrée à l’ouvrage, ainsi qu’aux équipements indissociables ou à ceux qui rendent l’ouvrage impropre à sa destination.
  • Certains ouvrages spécifiques sont exclus par l’article L.243-1-1 du Code des assurances, mais ces exceptions sont strictement interprétées et dépendent du lien avec un bâtiment soumis à la décennale.
  • Les sous-traitants ne sont pas légalement obligés d’être assurés, mais l’absence de décennale peut entraîner des recours financiers importants, tandis que l’absence d’assurance obligatoire constitue un délit passible de sanctions pénales et de lourdes conséquences économiques en cas de sinistre.

2. L’assurance décennale : une obligation posée par la loi Spinetta

Depuis la loi Spinetta du 4 janvier 1978, le principe est : si votre responsabilité peut être engagée pendant dix ans après la réception des travaux, vous devez être couverts par une assurance de responsabilité décennale. Ce n’est pas une règle « de métier », c’est une règle de droit. Elle est écrite noir sur blanc à l’article L.241-1 du Code des assurances, qui impose cette couverture à toute personne physique ou morale susceptible d’être responsable sur le fondement des articles 1792 et suivants du Code civil.

Ce renvoi au Code civil est capital pour comprendre la logique du système. L’article 1792 établit une présomption de responsabilité dite « de plein droit » : en cas de dommages graves, vous êtes responsables automatiquement, sans que le client ait à prouver une faute de votre part. Le législateur a voulu éviter que le maître d’ouvrage se retrouve à devoir mener une bataille technique et judiciaire pour démontrer l’origine du sinistre. La décennale sert donc à sécuriser, à l’avance, l’indemnisation de ces dommages lourds.

Concrètement, ce régime vise les désordres qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui le rendent impropre à sa destination. Si une malfaçon apparaît après réception et qu’elle entre dans ce cadre, votre responsabilité peut être mobilisée pendant dix ans. C’est précisément pour cette période incompressible que l’assurance est obligatoire : elle garantit que vous pourrez réparer, même plusieurs années après la fin du chantier.

La loi encadre aussi le moment où vous devez être assurés. L’article L.241-1 précise que vous devez pouvoir justifier, « à l’ouverture de tout chantier », que vous avez bien souscrit un contrat vous couvrant pour cette responsabilité. En pratique, cela signifie deux choses. D’abord, la souscription doit être antérieure au démarrage des travaux. Pour les travaux soumis à décennale, cette attestation doit d’ailleurs être jointe aux devis et factures. Ensuite, vous devez être capables de fournir une attestation au client dès le début, et souvent même au stade du devis, car elle conditionne la confiance et la conformité du chantier.

👉 À noter : la décennale des constructeurs fonctionne avec un autre pilier de la loi Spinetta, l’assurance dommages-ouvrage. Elle est obligatoire pour le maître d’ouvrage avant l’ouverture du chantier et sert à préfinancer rapidement les réparations d’un sinistre décennal, sans attendre qu’un tribunal désigne le responsable.

3. Qui est considéré comme « constructeur » ?

Quand vous lisez « constructeur », vous pensez spontanément à l’entreprise de maçonnerie ou à l’artisan sur le chantier. Pourtant, en droit, c’est beaucoup plus vaste. Le Code civil, via l’article 1792-1, considère comme constructeurs non seulement les entrepreneurs et artisans, mais aussi tous ceux qui participent à la conception ou à la réalisation de l’ouvrage, dès lors que leur intervention peut entraîner un dommage décennal.

Cela englobe donc les entreprises de bâtiment, quelle que soit leur spécialité, mais aussi les architectes, maîtres d’œuvre et bureaux d’études techniques, parce que leurs choix de conception ou de direction des travaux peuvent être à l’origine d’un désordre grave. Même sans « poser de briques », vous pouvez être assimilés à un constructeur si vous avez une mission qui influence la solidité de l’ouvrage ou son aptitude à l’usage prévu.

La définition inclut aussi des acteurs parfois moins évidents pour le grand public. Par exemple, le promoteur immobilier est réputé constructeur parce qu’il fait réaliser l’ouvrage et le vend. De même, la personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu’elle a construit ou fait construire est elle aussi « réputée constructeur » et peut être tenue à la responsabilité décennale pendant dix ans. C’est le fameux cas du vendeur-constructeur, explicitement visé par l’article 1792-1. .

4. Quels travaux rendent la décennale obligatoire ?

L’assurance décennale ne s’active pas pour n’importe quel chantier. Elle vise les travaux qui participent à la construction ou à la transformation d’un « ouvrage » au sens juridique. Cela couvre la construction neuve, les extensions, et certaines rénovations dès lors qu’elles s’incorporent durablement au bâti. À l’inverse, des travaux purement décoratifs ou d’entretien courant ne relèvent en principe pas de la décennale, sauf s’ils deviennent indissociables de l’ouvrage ou s’ils provoquent un désordre rendant l’ouvrage impropre à sa destination.

👉 Autrement dit, ce n’est pas l’étiquette du chantier qui compte, mais l’effet du dommage sur l’ouvrage.

C’est là qu’intervient la notion d’éléments d’équipement « indissociables ». Un élément est dit indissociable quand on ne peut pas le déposer ou le remplacer sans détériorer le bâti : il fait corps avec l’ouvrage. Dans ce cas, s’il provoque un désordre grave, la responsabilité décennale s’applique au même titre que le gros œuvre. Il faut ajouter une nuance essentielle : même un élément d’équipement dissociable peut relever de la décennale si, par son dysfonctionnement, il rend l’ouvrage lui-même impropre à sa destination.

Autrement dit, ce n’est pas seulement le caractère indissociable qui compte, c’est surtout l’impact du dommage sur l’ouvrage dans son ensemble. La Cour de cassation a toutefois précisé par un arrêt du 21 mars 2024 que les équipements dissociables ajoutés ou remplacés sur un existant, lorsqu’ils ne constituent pas en eux-mêmes un ouvrage, relèvent en principe de la responsabilité contractuelle de droit commun plutôt que de la décennale.

Ensuite, pour qu’un sinistre soit « de nature décennale », il doit être suffisamment grave au regard de l’article 1792 du Code civil :

  • Le dommage doit compromet la solidité de l’ouvrage : fissures structurelles, affaissement, défaut majeur de charpente ou de fondations, par exemple.
  • Le dommage dit rendre l’ouvrage impropre à sa destination, c’est-à-dire inutilisable pour l’usage normal prévu : infiltrations généralisées rendant un logement inhabitable, défaut d’étanchéité rendant un bâtiment inexploitable, etc.

👉 Dans ces cas, votre responsabilité est présumée pendant dix ans après réception, sans que le client ait à prouver votre faute.

5. Les cas où l’obligation ne s’applique pas

Même si la décennale est une obligation d’ordre public pour les constructeurs, la loi a prévu des cas où l’assurance n’est pas imposée. Le point de départ, c’est l’article L.243-1-1 du Code des assurances.

Ce texte liste des ouvrages exclus de l’obligation d’assurance, par exemple certains ouvrages de voirie, d’infrastructures ou de traitement industriel, et quelques ouvrages très techniques listés par la loi. Surtout, le texte précise qu’un ouvrage peut être exclu en lui-même mais redevenir soumis à décennale s’il est l’accessoire indissociable d’un bâtiment, ce qui explique pourquoi l’analyse doit rester au cas par cas.

Il faut bien comprendre deux choses :

  • cette liste est fixée par la loi : ce n’est pas une appréciation « au feeling ».
  • parce qu’elle constitue une exception à un régime obligatoire, elle est interprétée de façon stricte par les tribunaux. En d’autres termes, si un ouvrage ne figure pas clairement dans cette liste, il reste soumis à l’obligation.

Les exclusions sont formulées d’une manière juridique, avec des distinctions entre ouvrages exclus « en toutes circonstances » et ouvrages exclus seulement s’ils ne sont pas l’accessoire d’un ouvrage soumis à décennale. Autrement dit, un même type de travaux peut être exclu ou non selon son lien avec un ouvrage principal. C’est précisément pour cela qu’une lecture au cas par cas est indispensable.

Autre précision importante en rénovation : l’article L.243-1-1 indique que l’obligation d’assurance ne s’applique pas aux ouvrages existants avant l’ouverture du chantier, sauf si l’existant est totalement incorporé au neuf et devient techniquement indivisible. En clair, la décennale porte sur ce que vous construisez ou transformez, mais elle ne couvre pas automatiquement les parties anciennes, sauf si elles font corps avec l’ouvrage neuf..

6. Et les sous-traitants ?

C’est souvent là que naît la confusion.

En tant que sous-traitants, vous n’êtes pas liés par contrat au maître d’ouvrage, donc vous n’êtes pas soumis à l’obligation légale de souscrire une décennale.

En revanche, vous pouvez être recherchés par l’entreprise principale si un désordre de nature décennale lui est reproché, via un recours contractuel ou récursoire. C’est pour cela que, dans les faits, les donneurs d’ordre exigent presque toujours une attestation : ne pas être assurés, c’est accepter un risque financier majeur et se fermer l’accès à beaucoup de chantiers.

7. Que risquez-vous si vous n’avez pas de garantie décennale ?

Si vos travaux entrent dans le champ de la responsabilité décennale et que vous ne souscrivez pas l’assurance obligatoire, vous commettez un délit. Cette règle vise les professionnels de la construction dont la responsabilité décennale peut être engagée.

Ce n’est pas une simple irrégularité administrative : l’article L.243-3 du Code des assurances sanctionne explicitement la non-souscription d’une assurance construction obligatoire. La peine maximale prévue est de six mois d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende, avec la possibilité pour le juge de prononcer l’une ou l’autre de ces deux peines, ou les deux.

Ce délit est considéré comme « instantané ». Il est constitué dès l’ouverture du chantier si vous ne pouvez pas justifier d’une décennale valable à cette date. Autrement dit, même si aucun sinistre n’apparaît, le simple fait de démarrer sans assurance vous expose pénalement.

En cas de sinistre décennal, vous devrez indemniser vous-mêmes les dommages, sur vos fonds propres, parce qu’il n’y aura pas d’assureur pour prendre le relais. Or les réparations décennales peuvent atteindre des montants très élevés, surtout lorsqu’il s’agit de solidité ou d’impropriété à destination.

👉 Pour une entreprise artisanale, une micro-entreprise ou une petite structure, un seul dossier peut suffire à absorber la trésorerie, à entraîner une cessation de paiement, voire à mettre fin à l’activité.

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